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Les parallel-twins desmo de Grand Prix
Malgré ses victoires, le 125 monocylindre trialbero n’était pas encore assez performant pour pouvoir remporter le championnat. FB Mondial (ne pas traduire), champion du Monde dans les catégories 125 et 250 en 1957, s'était retiré mais les MV Agusta restaient très difficiles à battre.
Les 125 MV Agusta et FBMondial de l'époque
Alors pour la saison 58, Taglioni décida de mettre un parallèle-twin en chantier, ce sera le 125 twin "Gran Prix" desmo trialbero.
Il pensait qu'un bicylindre, unique à l'époque parmi les 125 de GP, et forcément plus puissant que le 125 monocylindre desmo lancé en 56, serait à même de s'imposer; la suite prouva que c'était une erreur.
On en parle peu mais Taglioni à conçu plusieurs parallel-twins chez Ducati. Il en a réalisé huit au tolal entre 1956 et 1968, quatre de course de 125 à 350 cc et quatre de route de 500 à 700 cc (voir ci-dessous). Mais ce furent pratiquement tous de échecs, d'ailleurs aucun de ceux qu'il a conçus pour la route n'a été produit en série. Les parallel-twins des années 70 dont il est question dans ce site ont été conçus par d'autres ingénieurs, il avait refusé de participer à ce programme.
Par ailleurs à la même époque, il à également conçu des prototypes à 4 cylindres en ligne destinés aux Grands Prix: un 125 ébauché en 1959 (une photo), qui fut finalement réalisé et testé sur circuit en 65, mais n'a jamais été engagé en course (voir en lien).
A la fin des années 60, il présenta un 500 4 cylindres double arbres à cames (une photo). Une machine complète fut construite et une version 350 était prévue, mais le projet en resta là faute de moyens financiers (de plus, ce projet avait peu de chances de succès, les MV Agusta étant imbattables).
Comme la plupart des ingénieurs motoristes de l'époque, "Il Dottore" n'était pas opposé au parallel-twin. Dans les années 50, avant l'arrivée des Honda 4 cylindes en 1961, les meilleures 250 de Grand Prix (NSU et MV Agusta) étaient des bicylindres parallèles.
Taglioni n'avait pas encore pensé au V-twin incliné vers l'avant, solution que Moto Guzzi avait pourtant utilisé avec succès sur sa 500 "bicilindrica" de course pendant longtemps (une photo).
Il considérait que l'architecture en V ne se justifiait éventuellement que pour un 4 cylindres. D'ailleurs, Taglioni conçut un 250 V4 de compétition, mais la direction de Ducati le considérant trop cher à produire, il ne fut jamais construit.
Ce n'est qu'en 1970, qu'il concevra sa première machine à moteur V-twin, la 750 GT, avec un angle de 90° entre cylinres et celui de l'avant quasi-horizontal, d'où l'appelation "L-twin".
Une petite parenthèse au sujet de Honda:
En 1959, Honda engagera également des 125 parallel-twin au Tourist Trophy (une photo). Ce sera d'ailleurs la toute première apparition d'une équipe Japonaise en Grand Prix.
Ce bicylindre développait 23 hp à 14000 rpm pour 97 Kg lorsqu'il remportera le titre en 1961 aux mains de Tom Phillis et en 1962 aux mains de Luigi Taveri. C'est Mike Hailwood qui permettra à Honda de gagner son premier Grand Prix en remportant la victoire au guidon de ce 125 au Tourist Trophy en 1961 (photo ci-dessous). Il sera champion du Monde en 250 sur Honda la même année.
Depuis, Honda a remporté 62 titres constructeurs en Grand Prix moto, loin devant MV Agusta et Yamaha ex aequo avec 37 titres tous les deux. A noter que Honda a obtenu ces 62 titres en 44 années de participation, auquels il faut ajouter une vingtaine de titres en moto cross, trois en trial, huit en endurance et six en Superbike, sans compter 7 titres consécutifs de 1985 à 1992 comme constructeur de moteur en Formule 1, soit plus de 100 au total avec des moteurs 4 temps et 2 temps, excusez du peu...
En comparaison, Ferrari le constructeur le plus titré en automobile qui a débuté en 1950, arrive à un total d'environs 25, toutes catégories confondues, avec la F1, la F2 et l'endurance.
la 125 Honda du TT 1959
Pour la petite histoire, Honda a déposé 11 brevets de distribution desmodromique et l'a testé en 1962 sur le 125 bicylindre lors des essais du GP d'Italie avec Luigi Taveri au guidon. Mais faute de mise au point, ce 125 manquait de puissance et de fiabilité. Il n'a pas participé à la course. Des essais ont également été éfféctués sur un 4 cylindres 250 en 1965, mais ces projets ont fini par être abandonnés. Cela dit, constructeur n'a jamais vraiment cru à ce mode de distribution. Seuls trois anecdotiques prototypes desmodromiques Honda sont connus dont un monocylindre 300 de trial dans les année 80.
Honda 125 desmo, notez les petits ressorts hélicoïdaux d'aide à la fermeture
le 300 Honda trial desmo
Différents parallel-twins Ducati:
Dans cette rubrique:
175 double arbre à cames compétition 1956
125 desmo "trialbero" compétition 1958 et 1959
250 desmo "trialbero" compétition 1960
350 desmo "trialbero" compétition 1960
250 double arbre à cames compétition 1960
Dans la rubrique "divers prototypes de route"
prototype 500 culbuté de route 1965
prototype 500 culbuté police 1965
prototype 700 double arbre à cames de route 1967
prototype 500 culbuté de route 1968
Dans la rubrique "parallel-twins de série"
350 et 500 simple arbre à cames classiques et desmo de 1975 à 1980
(les seuls produits en série, mais pas conçus par Taglioni)
(voir au sujet des parallel-twins Ducati de compétition cette page intéressante et bien illustré en lien et cette autre page en lien du site "Moto Passion")
La 175 "Testone":
la 175 Testone dans la version présentée en 1956 avec le cadre double berceau interrompu
Auparavant en 1956, Taglioni avait déjà conçu un premier parallel-twin chez Ducati. C'était un 175 cc de compétition surnommé "Testone" (grosse culasse).
Il était parti d'un ancien projet personnel de culasse de 1950 pour conçevoir ce moteur. C'était un beau double arbre à cames non desmo entrainé par un train de pignons au centre entre les cylindres. Du type supercarré (49 x 46,6 mm), il développait 24 hp à 11000 rpm et le vilebrequin était calé à 180°. La boite de vitesses comportait cinq rapports et l'embrayage était du type à sec. Ce moteur était monté dans un cadre double berceau inspiré du Norton Manx mais interrompu dans la partie basse.
Présentée au départ en version "piste", cette belle 175 construite en deux ou trois exemplaires, avait été créée principalement en vue de courses sur route: le Moto Giro d’Italia et le Milan Tarente. Equipée "route" conformément au règlemement (photo ci-dessous), elle fut alors confiée à Leopoldo Tartarini pour le Moto Giro, mais il dut abandonner à la suite d'une chute. Cette 175 était un peu lourde, et malgré sa puissance, elle s'était avérée moins rapide que les monocylindres de la concurrence.
Elle fut alors provsoirement abandonnée, jusqu'à ce qu'en 1959, à la demande de clients, un Américain et un Anglais, deux moteurs construits en 56 furent ressortis.
Ils furent alors montés dans un nouveau type de cadre proche de celui de la 125 twin, à la place du double berceau intégral d'origine. Il était plus léger, mais sûrement moins rigide, avec un tube unique dans la partie haute et un double berceau continu jusqu'aux amortisseurs dans la partie basse et assez semblable dans son dessin à celui des mono-cylindres des années suivantes.
Par l'intermédiaire de Joe Berliner, l'importateur Ducati aux USA, *Franco Farnè (une photo avec le moteur 750 F1) s'engagea dans le championnat International Américain. Il prit occasionnellement le départ au guidon de la bicylindre, mais il préféra la plupart du temps utiliser la 175 F3 monocylindre, avec laquelle il remporta de nombreuses victoires. Modifiée ensuite en 250 par Farné, cette 175 bicylindre se trouve aux USA au sein d'une collection privée (photos ci-dessous avec le réservoir gris).
Mike Hailwood, qui courait alors sur un 125 monocylindre desmo, se vit confirer l'autre 175 par son propriétaire Anglais pour des essais à Brands Hatch en 59 (photo ci-dessous). Mais il ne fut pas du tout convaincu par ses qualités. Bien que puissante, elle était lourde (115 Kg), peu maniable et manquait de couple à moyen régime. Déçu, son propriétaire la retourna à l'usine.
*Par la suite, Franco Farnè fut nommé chef mécanicien du département compétition de Ducati, un poste qu'il conserva jusqu'à sa retraite.
ci-dessous, l'une des machines construites en 1959
la 175 transformée en 250 exposée aux USA
La 250 "Villa":
En 1965, les frères Francesco et Walter Villa, un mécanicien et un pilote de course de l'usine, demandèrent à Taglioni l'autorisation de ressortir de l'oubli cette autre 175.
Ils la modifièrent également en 250, en reprenant l'alésage et la course du 125 mono-cylindre, soit 55,25 x 52 mm. La partie cycle fut allégée et le moteur reçut d'importantes modifications, dont une boite de vitesses à 6 rapports de 125 twin desmo. La puissance atteignit alors 36 hp à 11000 rpm et le poids fut réduit à 105 Kg.
Mais cette machine ne fut engagée qu'une seule fois en course en Italie, car dépassée par la concurrence principalement constituée de machines 2 temps, elle termina en fond de classement.
Cette 250 appartient à présent à un collectionneur Anglais qui l'a faite restaurer dans son état d'origine (photos en lien).
la 250 "Villa" de 1965
.
La 125 parallel-twin desmo "trialbero":
ci-dessus la 125 restaurée aux couleurs d'époque
l'autre dans une collection Américaine avec les couleurs Mototrans
le moteur en cours de restauration à l'usine
dessins originaux du parallel-twin "trialbero" 250 identique au 125 à part les deux bougies par cylindre
Très proche du 175 dans son arcitecture générale, le dessin de ce moteur a été réalisé en un temps record durant l'hiver 1957/1958.
Voir le train de pignons de distribution au centre, les deux vilebrequins calés à 360° assemblés par système denté "Hirth" et supportés par 4 roulements montés dans 4 carters à plans de joint verticaux.
C'était en quelque sorte une version réduite à 125, du type longue course (42,5 x 45mm) et équipée de culasses desmo trialbero identiques dans leur principe à celle du monocylindre. La seule différence était la présence de petits ressorts en épingle de ratrappage de jeu à la fermeture.
D'ailleurs, il n'est pas impossible que certaines pièces aient été communes aux deux twins 125 et 175, comme les carters centraux et la cascade de pignons. Par contre, sur le 125 l'embrayage était dans l'huile et la boite de vitesses comportait 6 rapports.
Toujours comme le 175, ce parallel-twin était conçu comme deux monocylindres juxtaposés: les vilebrequins, les cylindres et les culasses étaient séparés (voir l’original du dessin). Ce choix était favorable au refroidissement, au prix d'un poids élevé.
Taglioni était certes capable de réaliser de jolis dessins, mais refusant obstinément d'imiter ses concurrents, il avait tendance à s'enfermer dans ses acquis et ses créations étaient souvent démodées dès leur sortie. Il a révélé plus tard que, pour gagner du temps en concevant ces twins, il s'était contenté de partir de son projet de 250 V4, auquel il avait enlevé les deux cylindres avant sur la planche à dessins.
C'est pour cette raison qu'il avait conservé le vilebrequin long avec la distribution par cascade de pignos au centre (un dessin) et un arbre de transmission intermédiaire, des solution trop lourdes pour un bicylindre. Ce poids excessif était le gros défaut de conception de ce moteur. Cela dit, il faut savoir à sa décharge, qu'il était limité dans sa créativité par les maigres moyens que l'usine lui allouait.
il y avait 6 arbres à cames dans ce moteur: 3 dans chaque culasse...et deux vilebrequins assemblés par un système denté "Hirth"
(photos prises à l'atelier du Museo Ducati lors de la restauration d'un bicylindre "trialbero")
Peu performant à ses débuts en 58, à cause de son poids supérieur à 110 Kg (la 125 Honda bicylindre engagée au TT en 1959 pesaient 13 Kg de moins), ce bicylindre s'avéra néanmoins prometteur au niveau de la puissance. Par contre malgré sa course longue, il manquait de couple à moyen régime et souffrait d'une plage de régime exploitable trop étroite.
En 1959, avec 22,5 hp à 14000 rpm, c'était déjà le plus puissant de tous les 125 de GP. Mais comme le 175, avec son vilebrequin calé à 360°, il vibrait beaucoup. Quant à la partie cycle, elle était très semblable à celle des 175 twin modifiés en 250 de 1959. Ce 125 était lourd et sa tenue de route n'était pas exemplaire à haute vitesse, un comble pour une machine censée être particulièrement destinée aux circuits rapides.
En fin de compte, ce parallel-twin construit en deux ou trois exemplaires, ne fut jamais plus rapide que le monocylindre. L'usine l'engagea épisodiquement en compétition, en alternance avec le monocylindre desmo, durant les saisons 58 et 59. Mais les pilotes d’usine, Francesco Villa et Luigi Taveri, n’eurent pas beaucoup de succès à son guidon.
Il a néanmoins remporté deux jolies troisièmes places en Grand Prix en 58, avec Villa au GP des Nations, parmi les monocylindres trialbrero et avec Taveri au GP de Belgique, après une jolie bataille avec la MV d'Ubbiali et la MZ 2 temps de Degner.
Déçu par les performances de ce twin, Taglioni décida alors de concevoir un 125 4 cylindres. Il opta pour un double arbre à cames à 4 soupapes à distribution classique. Mais, en fin de saison, Ducati décida de se retirer des Grands Prix pour des raisons financières, et ce 4 cylindres resta à l'état d'ébauche.
En 1960, l'usine confia ses machines officielles à Mototrans, son partenaire espagnol, qui récupéra ainsi le service course avec Farnè, Armaroli, Villa et Spaggiari. Les 125 monocylindre et bicylindres desmo furent alors engagées dans des épreuves locales.
L'une des 125 parallel-twins fut revendu par l'usine à Mike Hailwood, l'étoile montante du sport motocycliste anglais de l'époque. Mais celui-ci qui ne machait pas ses mots déclara que cette machine était si lourde et si peu coupleuse, que c'était une cochonnerie à piloter sur circuits lents. Il préféra souvent s"engager au guidon du monocylindre trialbero.
Mike s’était distingué depuis 1958 par plusieurs titres de champion d'Angletterre sur les 125 Paton et Ducati trialbero, les 250 FB Mondial et NSU et les 350 et 500 Norton Manx de "l’écurie Sportive "Hailwood & Fils" dirigée par son père Stan, importateur Ducati en Grande Bretagne. En 59, il s'était même classé cinquième au championnat du monde 250 au guidon de sa FB Mondial ex-usine.
Pour récapituler, à ses débuts en 1958 et 1959, Mike courut sur diverses machines dont:
Une Ducati 125 bialbero, une 125 Paton (une photo), une NSU 250 ex-usine, une 250 FB Mondial ex-usine (une photo), une EMC Anglaise à moteur 125 Puch 2 temps (une photo), une MV Agusta 250 ex-usine, des Norton Manx 350 et 500, une Triumph 500.
En 1958 à sa deuxième année de compétition, il fut champion d'Angleterre en 125, 250 et 350 et marqua quelques points en Grand Prix dont une partie avec sa 125 Ducati trialbero d'usine. Cette année là avec cette 125, il remporta au Grand Prix d'Ulster, sa toute première victoire en Grand Prix du championnat du Monde. Toutes ces motos appartenaient à "l'écurie Hailwood & Son" entièrement financée par son milliardaire de père importateur Ducati pour la Grande Bretagne.
Plus tard, chez Mototrans dans les années 60, grâce à de nouveaux arbres à cames, ce 125 twin trealberi grimpa à 24 hp à 15000 rpm avec un régime maximum de 17.000 rpm. Ces arbres à cames furent conçus par Armaroli, un excellent technicien malheureusement mis à l'écart par Taglioni.
Dans le même temps, ce moteur sera monté dans un nouveau cadre (chassis) double berceau intégral, plus rigide et plus léger (photo ci-dessous). Cette 125 obtint alors quelques jolis résultats, dont deux troisièmes places dans les championnats d’Espagne et d'Italie avec Spaggiari en 1965.
Elle fut confié ensuite à Angel Nieto, qui fit troisième au championnat d'Espagne en 1967, et se dit impressionné par la stabilité de cette machine.
Entre 1966 et 1968, le service course Ducati fut progressivement réintégré en Italie.
Mais les 2 temps (MZ, Montesa, Bultaco, Ossa, Suzuki et Yamaha, entre autres) plus puissants et plus légers, commençaient à s'imposer en compétition, sauf en 500 où les 4 temps Benelli et MV Agusta dominaient avec des 4 cylindres.
D'ailleurs dès les années 30, les DKW s'étaient faites remarquer en remportant même plusieurs victoires en Grand Prix (une photo de la 350 V3), avant l'arrivée de la 125 MZ, trois fois vice-championne du monde en 58, 59 et 60.
En 1963, Suzuki remporta le titre mondial avec un 125 bicylindre 2 temps à distributeurs rotatifs qui développait 26 hp à 12000 rpm. Suzuki fut rapidement imité par Yamaha et Kawasaki en 125, 250 et 350 cc qui furent tour à tour champion du Monde.
Seul parmi les Japonais, Honda resta d'abord fidèle au 4 temps comme MV Agusta et fut champion du Monde en 250 et 350 avec des 6 cylindres en 1966 et 1967 avant de passer ensuite au 2 temps avec succès au début des années 70 avec de nombreux titres à la clef jusqu'en 2001.
A partir de 1975, les 2 temps s'imposeront en championnat du Monde dans toutes les catégories y compris en 500 avec la domination des 4 cylindres Honda, Suzuki, et Yamaha jusqu'à la création des MotoGP et des Moto2 4 temps en 2002 ce qui sonnera la fin des 2 temps en GP.
Quant à MV Agusta et Benelli, après plusieurs titres de champion du Monde à leur palmarès, ils se retirèrent des Grands Prix dans les années 70, refusant de construire une 4 cylindres 2 temps non conforme à leur image de Marque. Toutefois, les constructeurs Italiens, Paton et Cagiva tentèrent l'aventure sans succès.
Vers 1966, Renato Armaroli a réalisé des culasses simple arbre à cames 4 soupapes non-desmo pour ce bicylindre chez Ducati Mototrans en Espagne. Doté de 4 carburateurs et de 4 sorties d'échappement, pour favoriser le couple moteur, ce moteur développait 6 hp de plus que le desmo "trealberi"de base, soit environs 28 hp à 16000 rpm (l'angle entre soupapes s'établissait à environs 60°).
Mais Mototrans était en difficulté financière et il n'est pas certain qu'un 125 de ce type ait été engagé en compétition.
culasses 4 soupapes à 2 cames destinées au 125 twin de GP
Par ailleurs en 1965, à la demande de Mototrans, Taglioni produisit une version modernisée de son projet de moteur 125 à 4 cylindres en ligne de 1959. Après quelques mois de développement, il développa 23 hp à 14.000 rpm. Deux machines furent construites. Farnè prit en charge la construction de la partie cycle et les essais à l'usine en Italie.
Chose étonnante, avec un poids inférieur à 90 Kg, elle était plus legère que le twin malgré son cadre double berceau. Mais cette 4 cylindres ne fut jamais engagée en compétition et son moteur souffrit de difficultés de mise au point de l'allumage à rupteurs. De toutes façons, elle n'aurait pas été à même de lutter en Grands Prix contre les 2 temps et l'imbattable Honda 5 cylindres 4 temps dont la puissance atteignait 34 hp et en 1966. Le projet 4 cylindres fut définitivement abandonné.
Après que cette machine ait été exposée dans divers endroits et ensuite perdue de vue, son moteur fut retrouvé incomplet des années plus tard par John Surtees dans un musée à Riga en Lettonie, il dénicha ensuite le cadre en Yougaslavie avec un monocylindre monté à la place du 4 cylindres. A partir de ce puzzle, une machine a été magnifiquement reconstruite par Giancarlo Morbidelli et se trouve à présent dans son musée.
Il faut savoir qu'à l'époque, la plupart des constructeurs se souciant peu de créer leur musée. Les machines de course en fin de carrière, ainsi que certains prototypes, étaient parfois revendus à des pilotes privés, mais ils échouaient le plus souvent dans des hangars avant d'être mis à la casse.
la 125 4 cylindres avant restauration chez Morbidelli et le moteur retrouvé incomplet à Riga avec la boite de vitesses manquante
Les 250 et 350 "Gran Prix" trialbero:
"L'écurie Sportive Stan & Mike Hailwood":
En 58 et 59, Mike avait remporté de nombreuses victoires au sein de cette écurie, dont son premier Grand Prix, avec le 125 monocylindre "trialbero", ce fût le début de son épopée.
Le bicylindre 125 desmo lancé en 1958, bien que plus puissant, s’était avéré moins efficace parce que beaucoup trop lourd et manquant de couple à moyen régime. Mais cela n'empêcha pas Stan Hailwood, le pére et manager de Mike (une photo des Hailwood père et fils), de racheter pour Mike un 125 twin ex-usine et de commander à ses frais la construction en deux exemplaires d'une version 250 en vue de la saison de Grands Prix 1960. Le prix total réclamé à Stan Hailwood par Ducati n'a pas été divulgué, il parait qu'il était impressionnant.
Stan et Mike Hailwwod avec Folesani, le mécanicien Ducati, champions d'Angleterre avec la 250 en 1960
la 250 dans la cour de l'usine après remise à neuf
Ce 250 parallel-twin desmo trialbero (55,25 x 52 mm), calqué sur le 125 twin avec le même angle de 80° entre soupapes, utilisait les mêmes pistons que le 125 monocylindre desmo, dont il reprenait l'alésage et la course ainsi que de nombreuses pièces de la distribution desmodromique. Il fut conçu rapidement par Taglioni durant l'hiver 59 et la moto fut livré à Hailwwood en Mars 60.
La puissance annoncée s'élevait à 38 hp à 11600 rpm à la roue et 43,3 au vilebrequin, un chiffre impressionnant. Cette valeur était comparable à celles de la MV Agusta bicylindre championne de monde et de la 250 Honda 4 cylindres. Cela dit, ces chiffres annoncés par Taglioni n'ont jamais été vérifiés.
Au passage, malgré ses 4 cylindres, cette Honda, qui entamait sa première saison en championnat du monde, pesait 6 Kg de moins que la Ducati. Elle se classera d'emblée à la quatrième place avec Jim Redman derrière trois bicylindres MV Agusta.
Le cadre de la Ducati, construit en acier ordinaire et au dessin un peu étrange, était constitué d'un tube unique assez mince dans la partie haute et d'un double berceau très ouvert dans la partie basse.
En fait pour gagner du temps, Taglioni s'était inspiré de celui des dernières 175 twin, qui furent transformées ensuite en 250 (photo ci-dessous) en y ajoutant quelques renforts. Il ne fallait pas s'attendre à une grande rigidité avec un tel dessin.
En comparaison, les cadres des 250 FM Mondial et MV Agusta (championnes du monde) étaient beaucoup mieux conçus.
la 175 de 1959 transformée en 250 la 250 trialbero de 1960 le prototype 250 FBMondial MV Agusta 250 bicilindrico
Quant à la fourche, c'était faute de mieux, un modèle de 500 Norton Manx dont les tubes avaient été raccourcis. Enfin, le carénage en 3 parties était construit en aluminium brut. Cette machine fut construite en deux exemplaires pour Hailwood en tout et pour tout. Aucune moto d'usine ne fut prévue, car Ducati s'était retiré de la compétition fin 59. C'est pourquoi certains nomment cette moto la "250 Ducati twin Hailwood".
A noter qu'à la même époque, comme sur la 125 twin, Honda a testé la distribution desmodromique sur sa 250/4 cylindres, mais y a renoncé car aucun gain de puissance n'a été relevé et que la fiabilité n'était pas satisfaisante. Celà dit, Honda n'a jamais boucoup insisté dans ses recherches sur ce système, car il dominait parfaitement la mélallurgie des ressorts..
La suite prouva que le choix de Stan Hailwwod de faire construire un bicylindre était discutable. Les 250 parallel-twins NSU et MV Agusta avaient dominé les Grands Prix, mais compte tenu du peu d'expérience de Ducati dans ce type de moteur et dans cette cylindrée, il aurait peut-être mieux valu construire un monocylindre desmo trialbero, il aurait pu développer 36 hp à environs 10.500 rpm et peser moins de 110 Kg.
La 220 double arbre a cames de 1960, pourtant dépourvue de distribution desmodromique, développait déja 28 hp à 9600 rpm et pesait environs 100 Kg. Kavanagh fut champion d'Australie à son guidon.
Les monocylindres 250 SCD (Super Corsa Desmo) simple arbre à cames desmo d'usine (75 x 57,8 mm) de 1967 dérivés des Mk3 de série développaient 36 hp à 10500 rpm et les 350 SCD 41,5 hp (photo ci-dessous et une autre en lien).
D'ailleurs en 1961, Taglioni conçut un 250 monocylindre trialbero: voir plus bas.
Moto Morini l'a prouvé avec succès à la même époque. Tarquinio Provini sera vice-champion du Monde des 250 en 1963 avec un monocylindre très léger d'environs 35 hp, derrière une Honda 4 cylindres et devant une Yamaha bi-cylindres 2 temps, après avoir remporté plusieurs Grands prix. La version finale à 4 soupapes de 1967 développait 40 hp.
Par ailleurs en 1962, Morini construisit un moteur prototype desmo (photo ci-dessous) qui fut testé au banc d'essais, mais il ne fut jamais engagé en course.
Par contre, on imagine qu'un 500 V4 (ici le 350 CZ) construit sur les mêmes bases que le 250 Ducati trealberi, aurait atteint plus de 80 hp. Au début des années 60, une telle machine aurait pu inquiéter sérieusement les MV Agusta qui développaient 75 hp, à condition que Ducati soit capable de concevoir une partie cycle à la hauteur.
Mais de toutes façons, l'usine n'en avait pas les moyens, loin de là. Toutefois, ce moteur aurait été facile a réaliser, car Taglioni avait déja un projet de moteur 250 V4 dans ses cartons à dessins depuis 1955. Le bruit de l'arrivée de cette 250 courut d'ailleurs dans la presse, mais encore faute de moyens, la direction ne donna jamais le feu vert à Taglioni pour construire cette machine.
Toutefois, quelques années plus tard en 1969, Taglioni a réalisé un prototype 500 GP 4 cylindres en ligne double arbre à cames (photo ci-dessus sous réserve) qui aurait développé 80 hp à 12000 rpm, soit autant que la MV 3 cylindres. Une machine complète a été construite et une version 350 était également prévue.
Mais en fin ce compte, la direction a trouvé l'investissement trop lourd pour un projet à l'éfficacité aléatoire, les MV étant quasi imbattables.
Mike lors de la livraison et des essais de la 250 en Mars 1960 à Silverstone en Angleterre
Pour revenir à la 250 de 1960, au terme des premiers essais sur circuit, Mike qui n’avait pas la langue dans sa poche, déclara que c’était le "portail métallique" le plus puissant qu’il ait jamais essayé...
Le cadre, mal dessiné, manquait de rigidité et le poids atteignait 137 Kg, une valeur prohibitive pour une 250, qui nuisait gravement aux accélérations et à la maniabilité sur circuit sinueux, encore agravée par la fourche inadaptée. Une 500 Norton Manx ne pesait que 5 Kg de plus, mais tant le cadre que le moteur bicylindre de la Ducati étaient trop lourds.
Quant à la vitesse de pointe, l’usine annonçait 215/220 km/h, mais la moto était si instable à haute vitesse, que Mike déclara qu'elle était quasi-impossible à atteindre.
En clair, dès le début la partie cycle s'avéra très décevante. Qui plus est, suite à divers contretemps, la machine n'avait subi que quelques brefs galops d'essais en italie avant d'être livrée et elle souffrait de problèmes de carburation. De plus, malgré la demande d'Hailwood qui préférait un sélecteur de vitesse à gauche, celui-ci était monté du coté droit.
De toutes façons, la conception des parties cycles n'a jamais beaucoup intéressé Taglioni. pour lui, une moto se résumait pratiquement à un moteur fixé entre deux roues. D'ailleurs, aucune de ses 250, 350 ou 500 n'a jamais remporté de Grand Prix, malgré la puissance de leurs moteurs. Mais il voulait tout faire lui-même et avait beaucoup de mal à confier la conception d'un cadre à un ingénieur compétent.
De plus, à l'époque, les machines de course spéciales commandées à l'usine par des clients, étaient souvent montées et règlées à la hâte malgré un prix élevé.
Avec cette 250, Hailwood était engagé à titre privé, mais disposait de l’assistance du mécanicien d'usine Folesani. On ne sait pas si ce service était compris dans le prix...
L'écurie Hailwood & Fils avait fait l'acquisition d'une deuxième machines en cas de problème. Elle fut prêtée une fois, en 1960 lors du GP des nations en Italie, à Alberto Pagani alors débutant qui finit en 7-ème place.
Après avoir débuté chez Ducati en 1959, Pagani fut vice champion du monde sur 500 MV Agusta en 1972.
Mike remporta néanmoins de nombreux succès dans son pays, il fut même champion national 1960 en 250 avec 10 victoires au guidon de cette machine.
Mais les bonnes 250 de course étaient rares en Angleterre à l'époque et Mike était un pilote d'exception capable d'exceller sur les pires machines. La tenue de route de la 500 Honda 4 cylindres de 1966 était plus que délicate, cela n'empêcha pas Mike de menacer sérieusement la MV d'Agostini et d'être sacré vice-champion avec trois victoires.
Mais en Grand Prix ce fut plus difficile, la concurrence était d'un autre niveau. En début de saison, Mike préféra quelques fois s'engager avec son monocylindre FBMondial de la saison précédente. En Juin, Stan Hailwood fit alors construire par Ernie Earles un nouveau cadre double berceau de type ouvert, en acier Reynolds 531 plus léger, avec une répartition des masses améliorée (image ci-dessous). Il fut monté sur une 250, et il était prévu, si ce cadre donnait satisfaction, d'en équiper les deux 250 et les deux 350.
Mike sur la 250 à cadre Earles au GP d'Ulster
Le résultat ne fut pas tout à fait à la hauteur des éspérances, la tenue de route n'était pas encore parfaite, mais la machine se révéla tout de même un peu meilleure.
Mike parvint à se classer à une honnête cinquième place au championnat du monde 1960. Avec seulement 3 arrivées dans les points sur les 7 GP, il réussit même à s'intercaler entre les Honda 4 cylindres d'usine de Jim Redman et Tom Phillis au classement final. Après une 5-ème place en Hollande sur la FBMondial, il obtint deux 4-èmes places sur la Ducati à cadre Earles aux GP de Belgique et d'Ulster, parmi les MV Agusta bicylindres multi-championnes du Monde et les Honda 4 cylindres, dont c'était le première saison de GP aux mais de pilotes expérimentés. Ce n'était pas si mal, avec cette 250 qui manquait de développement, il pouvait difficilement faire mieux.
Taglioni produisit ensuite une version 350 (64 x 54 mm) à la demande du champion Australien en fin de carrière Ken Kavanagh.
Celui-ci avait remporté cinq Grands Prix lorsqu’il courait sur Norton dans les années 50, de nombreuses victoires au guidon des Ducati 125 (photo ci-dessous) et 220 "Grand Prix" dans son pays, et même tâté sans succès de la Formule 1 en 1958 avec une Maserati.
La puissance annoncée de ce moteur s'élevait à 52 hp à 11000 rpm au vilebrequin et 45 à la roue, un chiffre très correct pour cette cylindrée, mais il s'avera excessivement fragile.
Ce 350 ne termina qu'une seule course en tout et pour tout, en 1963 aux mais d'un autre pilote, après que Stan Hailwwod se soit séparé de ses Ducati. Ce n'était pratiquement qu'un 250 avec un alésage largement augmenté (près de 10 mm), faute de place dans les carters pour pouvoir augmenter beaucoup la course. Mais il souffrait de grosses vibrations et cassait sans arrêt, la résistance de l'embiellage avait sûrement atteint ses limites. De plus, avec la puissance augmentée, la stabilité était encore pire que celle de la 250 à haute vitesse.
Cette 350 était dotée d'une sorte de carburateur double corps de diamètre 30 mm à la place des 28 mm de la 250, avec une cuve unique au centre, pour remédier aux problèmes de carburation en virages. Ce même montage sera plus tard adapté à la 250 JSD de John Surtees (photo ci-dessous).
Mais Ken Kavanagh, sans aucune course terminée et déçu par le manque d’assistance de l’usine, malgré la présence occasionnelle d'Armaroli à ses cotés, la revendit rapidement à l'écurie Hailwood en cours de saison et mit définitivement fin à sa carrière (photo ci-dessous: Kavanagh sur la 350).
Mais Hailwood ne finit lui non plus aucune des 4 courses auxquelles il participa à son guidon au cours de saisons 60 et 61, la 350 cassa à chaque fois.
Finalement, malgré deux nouvelle victoires de Mike en Angleterre sur la 250, Stan Hailwood décida de se séparer de ses quatre Ducati parallel-twins desmo, le 125 ainsi que les 250 et 350, à l'été 61. De toutes façons Mike avait arrêté de s'engager en GP à leur guidon guidon à la fin de la saison 1960. Les 250 et les 350 furent rachetées par John Surtees.
Déçu par lui aussi par les résultats de ces machines, Taglioni conçut alors une 250 trialbero monocylindre. Le moteur était tout simplement un 175 de série poussé à 250 auquel avait été greffée une culasse desmo trialbero spéciale. Cette machine qui développait 35 hp fut testée en compétition en 1961. Mais elle ne participa qu'à une seule course en Italie et Taglioni ne fut pas autorisé à poursuivre son développement car Ducati s'était retiré de la compétition. Cette 250 existe encore, elle appartient à un collectionneur (photos ci-dessous)
(une photo d'une autre 250 monocylindre conçue vers 1959, une bialbero non-desmo)
Dès le printemps 61, Stan avait réussi à faire entrer Mike dans l'écurie Honda GB qui disposait de machines d'usine et lui confia une 125 bicylindre et une 250 4 cylindre. En 250, John Hartle était son coéquipier, il laissera sa place à la mi-saison à Bob McIntyre, un pilote très rapide qui se tua malheureusement en course l'année suivante. Mike Hailwood sera sacré champion du Monde 250 sur une machine privée, battant ainsi les pilotes Honda d'usine Tom Phillis et Jim Redman, malgré deux courses manquées en début de saison !
En Juin, à l'âge de 21 ans, Mike se paya même le luxe de donner à Honda sa première victoire au Tourist Trophy au guidon de la 125 bicylindre. Dans cette épreuve, il remportera les course des 125 et 250 sur Honda et des 500 sur Norton Manx. La légende de "Mike the Bike" était en route...
En 1962, l'écurie Honda GB sera dissoute. Hailwood rejoindra alors l'équipe MV Agusta pour piloter les 350 et 500 4 cylindres. En 350, il devra s'incliner devant les Honda, mais en 500, face à une maigre concurrence, Honda n'étant pas encore présent dans cette cylindrée, il remportera facilement le second d'une longue série de titres de champion du Monde.
Quelques photos sur ce lien
L'écurie JSD (1961, 1962 et 1963):
La 250 John Surtees Ducati et une superbe photo du moteur en lien
Ces parallel-twins (autre photo) apparurent ensuite en compétition en Angleterre en 61 au sein de l'écurie JSD (John Surtees Ducati), que John avait créée pour son frère Norman. Leur père Jack tenait un magazin de Motos à Londres, il avait couru en side car 1000 Vincent dans les années 50 avec son jeune fils John comme passager.
John Surtees sur sa 250 JSD à Brand's Hatch en 1962
Après avoir été 7 fois champion du Monde en moto sur MV Agusta 350 et 500 de 1956 à 1960, John Surtees était alors passé à la course automobile depuis l'année précédante avec l'écurie Lotus F1. Il sera couronné en Formule 1 en 1964 à 30 ans sur Ferrari. En 1967, il passera chez Honda avec qui il remportera sa dernière victoire en GP (photo). Il connut 6 victoires en Grand Grix durant sa carrière en F1.
Connu pour être un des pilotes les plus doués de tous les temps, en même temps qu'un excellent technicien, il reste le seul pilote à avoir réussi l'exploit d'être champion du Monde en moto et également en automobile.
En 1970, il créa son écurie de Formule 1 avec des moteurs V8 Cosworth et engagea Mike Hailwood en 71 pour piloter à ses cotés. Mike remportera une deuxième place au GP d'Italie en 72. Retiré des Grands Prix depuis 1978, Sir John Surtees se consacra a divers projets dans le monde de la compétition et à la collection de voitures et de motos de course anciennes. Il prit part à leur restauration et les pilotait encore lui-même lors de démonstrations à plus de 70 ans. Il est décédé en 2017 à l'âge de 83 ans.
En Août 61, alors qu'il courait en Formule 1 sur Cooper Climax, John Surtees racheta les quatre Ducati 250 et 350 d'Hailwood, dont l'ex 350 de Ken Kavanagh..
Deux cadres furent immédiatement commandés au spécialiste anglais Ken Sprayson de chez Reynolds-Steels. Construits en tubes d’acier R 531 au chrome-molybdène, ces cadres double berceau de type fermé étaient interrompus sur un coté, de façon à enserrer le moteur au plus près tout en permettant sa dépose. Ils furent équipés d'une fourche de type Earles à roue poussée comme les 250 NSU ou celle que Goeff Duke avait testée sur une Norton Manx. Seuls le cadre, le réservoir et la fourche étant vraiement différents de ceux des machines d'origine, une 250 et une 350 furent assemblées rapidement. Dès Septembre, elles étaient prêtes à courir, et grâce à ces nouvelles parties cycle "BBS" (Built By Sprayson) plus légères et plus rigides, la tenue de route et la maniabilité furent nettement améliorées.
L'autre 250 fut conservée chez JSD pour les pièces dans son état d'origine.
la 250 JSD telle qu'elle se présentait à l'époque
Ken Sprayson, à droite, avec Norman Surtees chez Reynolds devant la 250 en cours de finition
Les JSD furent alors confiées à Norman Surtees pour courir en Angleterre en 61 et 62. La 250 se montra très efficace et il remporta deux victoires et deux secondes places à son guidon. Par contre, la 350 s'avera si fragile que Norman préféra ne jamais s'engager en course à son guidon. Mais à la mi-saison 62, il décida d'arrêter la moto pour passer lui aussi à l'automobile. On aperçut alors la 350 aux mains de Phil Read lors des essais du TT, mais comme d'habitude, le moteur cassa et il ne put prendre part à la course.
ci-dessous: la 350 de Read au TT 62 et la même de nos jours restée pratiquement d'origine
Une photo rare des annés 90 de Norman (sur la moto) et John Surtees avec la même 350 lors d'une démonstration en Allemagne
la 250, malheureusement repeinte en rouge comme beaucoup de Ducati restaurées
une JSD aux couleurs de l’époque
à l'origine les JSD étaient peintes en bleu foncé, avec le réservoir partiellement gris métal sur certaines, le carénage Ducati en aluminium était conservé
la 250 en cours de restauration par son propriétaire
une page intéressante en lien sur ces motos
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En vue de la saison 63, John Surtees essaya alors d’engager l'anglais Geoff Duke, cinq fois champion du monde. Mais, retiré de la compétition depuis 1959, celui-ci ne donna pas suite.
Surtees à gauche et Duke à droite penchés sur la moto
Surtees contacta alors Hailwood, qui dominait à ce moment là le championnat du monde 500 sur MV 4 cylindres. Mike fit trois apparitions sur les JSD en 63, deux au printemps en Angleterre sur la 250 et une en Septembre au GP des Nations en Italie sur la 350. En Angleterre, il remporta les deux manches d'une course et une seconde place dans l'autre avec la 250. Au Grand Prix d'Italie à Monza, la 350 cassa comme d'habidude.
Le coureur automobile vétéran *Jim Russell, ancien multiple champion de Formule Junior et de Formule 3, courut occasionnellement en alternance avec Mike sur les JSD. Il fit une 4-ème place en Juin à Snetterton sur la 250 et une modeste 7-ème place à Brands Hatch en Octobre sur la 350. Ce fut la seule et unique fois que la 350 termina une course, on suppose que Russell la traita avec douceur....
*A la fin des années 50, Surtees avait participé à quelques épreuves de Formule 3. C'est alors qu'il fit la connaissance de Jim Russell, le champion de l'époque.
L'année suivante, Surtees sera champion du monde de Formule 1 sur Ferrari. Par la suite, Hailwwood signera chez Surtees en F1 en 1971, il y fit trois saisons. Les deux hommes étaient amis.
John Surtees et Mike Hailwood au début des années 70 au temps de l'écurie Surtees F1
Avec quatres victoires de la 250 en championnat d'Angleterre à leur palmarès, pour dix courses terminées dans les points en trois saisons, les Ducati de John Surtees n'auront jamais été engagées en championnat du monde, faute de moyens ou de pilotes disponibles à la hauteur. De toutes façons, la 250 JSD était une excellent machine, mais elle est arrivée trop tard, elle n'avait plus aucune chance de concurrencer la Honda 4 cylindres, invincible depuis 1961. Si Mike Hailwood avait disposé d'une machine aussi efficace que la JSD en 1960, il aurait surement pu leur donner du fil à retordre, mais on ne refait pas l'histoire...
Par chance, ces machines ont survécu jusqu' à nos jours. Par la suite, Surtees revendit les deux 250, dont une restée d'origine, à Jim Russell. Celui-ci les utilisa à l'occasion, avant de s'en séparer à son tour. Pendant quelques années, Surtees conserva la 350, avant de la revendre en 1981 à un collectionneur Allemand qui la revendit plus tard.
Kunt à droite avec la 350 JSD
L'ex 250 d'Hailwwood conservée en grande partie dans son état d'origine a été retrouvée plus tard en Ecosse. A présent, elle est exposée au musée Ducati qui l'a entièrement restaurée.
La 250 d'Hailwood avant restauration à l'usine, telle qu'on l'a retrouvée quasi intacte en 2000, seuls la fourche et la couleur n'étaient plus d'origine
Marco Montemaggi, directeur du musée Ducati jusqu'en 2001, avec la 250 twin et la 125 trialbero restaurées à Bologna, à droite la 250 exposée au musée
La 250 JSD, également remise à neuf mais repeinte en rouge, se trouve dans un musée aux USA. Elle apparait quelques fois, comme la 350 JSD, dans des manifetations hitoriques.
C'est ainsi, qu'avec les 175 modifiées, les trois types différents de 250 bicylindre Ducati existent toujours.
récapitulatif des résulats obtenus par les 250 et 350 Ducati et JSD
Taglioni faisait de bons moteurs, mais ils étaient lourds et malheureusement à cette époque ses parties cycles n’étaient pas à la hauteur. Dr T. comprit plus tard toute l’importance des cadres rigides et du rapport poids/puissance...
Bref, la marque de Bologne n’a pas su égaler NSU et MV Agusta et de toutes façons ces 250 et 350 financées par des écuries privées manquèrent de développement faute d’être engagées officiellement par l’usine. Le département course retiré officiellement des grands prix manquait cruellement de moyens. Ces machines souffraient de gros défauts, mais Taglioni avait tout de même réussi à faire des moteurs très puissants et fiables (à part le 350) ce qui reste une belle performance d’ingénieur.
En fin de compte, il est clair qu’un monocylindre trialbero aurait été plus efficace. Morini l’a prouvé par la suite avec la 250 GP bialbero des débuts d’Agostini, au milieu des années 60 c’était la machine la plus rapide de sa catégorie derrière l’imbattable Honda 4 cylindres. A son guidon Provini fut plusieurs fois champion d’Italie et vice-champion du monde en 1963 avec 2 points d'écart sur Jim Redman et sa Honda. A la fin de son évolution en 68, ce mono-cylindre atteignait 40 hp à 11000 rpm en version 4 soupapes. Une version desmo 2 soupapes fut aussi essayée, elle exite encore.
les hommes de l'art, on reconnait Folesani et Farné
Taglioni au TT en 58, où Ferri prit la deuxième place sur le monocylindre 125 trialbero derrière la MV d’Ubbiali une 350 JSD à droite la 250 Honda 4 de l’époque.
premiers essais de la 250 par Hailwood en Avril 1960 / la 250 à l'époque et de retour chez Ducati 30 ans plus tard / Alberto Gandossi
le cheval cabré (cavalino rampante) avait été adopté pour emblème (comme Ferrari) par Taglioni à cette époque
Finalement, la 125 monocylindre desmo fût la plus glorieuse grâce aux performances de Mike Hailwwood, de Sammy Miller et des pilotes d’usine Italiens Antoni, Ferri, Taveri et Gandossi. Celui-ci gagna deux GP et fut vice-champion du monde 125 en 58 devant son coéquipier Taveri, donnant ainsi sa première victoire en GP du championnat du monde à Ducati en Belgique le 6 Juillet 1958.
L’année suivante, Mike Hailwood, 3éme au championnat bien que pilote privé, remporta son premier Grand Prix au GP d’Ulster le 8 Aout 59 (année de la première apparition des Japonais en GP: Honda en 125). Cette année là, il sera quadruple champion d’Angleterre en 125, 250, 350 et 500 pour la deuxième fois consécutive et remporta 57 victoires dont 43 en Angleterre, en partie grâce à sa 125 Ducati. Malgré tous ses efforts, Ducati ne gagna que 4 GP en 125 durant ces années, mais remporta le titre constructeurs 125 cc en 1958 et 1959.
Bien sûr, Mike avait été repéré par le grands constructeurs. En 61, il fut à l'âge de 21 ans le plus jeune champion du monde, alors qu’il n’était même pas pilote d’usine, sur la 250 Honda 4 cylindres de l'écurie privée Honda GB et vice-champion en 500 sur Norton et MV (il gagna cette année là les trois catégories: 125, 250 et 500 au TT !). Le rouleau compresseur Japonais était en route ainsi que l’épopée de "Mike the bike"...
Ducati se retira des grands prix fin 59 pour des raisons économiques et revendit plusieurs 125 monocylindre reconvertis en double arbre à cames non-desmo.
Le département course émigra alors en Espagne chez Mototrans et remporta quelques victoires dans le championnat national avec les 125 parallel-twin et mono-cylindre.
Mike Hailwood avec son père Stan et la 350 JSD chez un collectionneur Allemand
La 250 JSD à cadre Anglais BBS en tube Reynolds (la rouge) a été revendue par John Surtees à Jim Russell vers 1964. Après être passée entre plusieurs mains, elle est exposée dans un musée aux USA (voir photos sur le site de Phil Aynsley). Quant à la 350 JSD avec le cadre bleu, elle est aujourd’hui la propriété d’un Allemand. Les deux apparaissent quelques fois lors de manifestations de motos historiques.
photo de droite: John Surtees (penché à gauche) présentant la 250 JSD à Geoff Duke
Les cadres JSD et Ducati comparés Mike à fond sur la 250 en 1960
victoire sur la 250 à cadre Earles
Restauration par le musée de l’usine du 250 twin "trialbero" en 2000 et 2001:
les deux vilebrequins accouplés avec prise de force au centre et le 1/2 carter coté distribution avec le superbe train de pignons
En ce qui concerne Mike Hailwood, la suite est connue:
Mike à ses débuts en 1957 sur 125 Paton
MV Agusta, 4 fois champion du monde 500 avec John Surtees à la fin des années 50, avait repéré le phénomène:
11 titres de champion d'Angleterre de 125 à 500 cc, vainqueur de son premier Grand Prix en 1959 à l'âge 19 ans sur 125 Ducati et champion du monde en 61 sur 250 Honda privée. Ce furent alors les grands débuts de "Mike the Bike" comme pilote d'usine. La gloire arriva avec les MV 4 cylindres de 1962 à 1965 et ensuite les fabuleuses Honda 4 et 6 cylindres et 1966 à 1967. Il sera 9 fois champion du monde en 250, 350 et 500 et remportera 14 victoires au TT.
Mike sur 500 MV 4 et sur 250 Honda 6
Après quelques courses en Formule 1 dans de petites écuries anglaises de 63 à 67, Mike passera à plein temps à la course automobile, lorsque Honda se retira provisoirement des Grands Prix moto fin 67. Il accepta une proposition de Benelli pour courir en 500 sur la 4 cylindres, mais après deux pôle positions en début de saison 68 devant la MV d'Agostini, il chuta en course à chaque fois. La Benelli était délicate à maîrtiser et Mike et décida d'en rester là .
Il fera alors une carrière très honorable en automobile, mais il y brillera beaucoup moins qu'en moto. Il s'engagera à plusieurs reprises aux 24 heures du Mans, et montera une fois sur le podium en troisième place, après avoir mené la plus grande partie de la course avec une Ford GT 40 aux cotés de Bruce Mac Laren en 1969.
Recruté par Surtees en 71, Mike sera vice-champion de Formule 5000 en 1971 et champion d’Europe de Formule 2 en 1972.
En Formule 1, son meilleur classement sera 8-ème au championnat en 72 avec une 2ème place au Grand Prix d'Italie à Monza.
John Surtees et Mike Hailwood à cette époque
Engagé par Mac Laren en 74, il sera le coéquipier d'Emerson Fittipaldi qui sera sacré champion du monde cette année là.
Mike fera un bon début de saison, avec une troisième place en Afrique du Sud, mais il sera victime d’un grave accident le 4 Août au 12ème tour du Grand Prix d’Allemagne. Grièvement blessé aux jambes, il sera contraint de renonçer à la compétition durant de longues années.
Mike en 1974
A son palmarès en 50 Grands Prix de Formule 1 courus durant 7 saisons entre 1963 et 1974 chez Lotus, Surtees et Mac Laren, figurent cinq tours en tête, un record du tour et deux podiums dont un en deuxième place à Monza sur Surtees en 71. Mais il s'en est fallu de peu qu'il ne remporte un Grand Prix à deux reprises. A Monza en 71 et 72, la victoire lui échappa dans les derniers tours, après qu'il ait fait plusieurs tours en tête.
Remis de ses blessures après son accident de 1974, Mike fera un incroyable retour à la moto en juin 1978.
Il remportera la victoire au Tourist Trophy et le championnat TT F1 sur 900 Ducati NCR, après 11 années d'absence durant lesquelles il vécut en Nouvelle Zélande (il y courut occasionnellement en national début 1978 sur la 750 Ducati SS desmo d'un ami),
En 79, il prendra part à quelques épreuves sur des 900 Ducati et sur une 500 Suzuki 4 cylindres 2 temps avec laquelle il sera à nouveau vainqueur du senior TT. Mais à la suite d'une mauvaise chute avec la Suzuki durant les essais d'une course à Donington, il mettra définitivement un terme à sa carrière de coureur.
Après son long séjour en Nouvelle Zélande (où travaillait pour McLaran Boats) à la suite de son accident en Formule 1, Mike était rentré au pays en 1979. Il vivait à Birmingham où avait ouvert un magasin de motos avec son ami Rodney Gould, champion du monde des 250 sur Yamah en 1970.
Mike Hailwood décèdera en Angleterre en Mars 1981 des suites de ses blessures lors d'un banal accident de la route causé par un camion qui faisait une manoeuvre interdite, alors qu'il allait faire des courses avec ses enfants Michelle et David, agés de 9 et 11 ans, Mike allait avoir 41 ans.
David, le seul survivant de l'accident, est resté dans le monde de la moto, il s'occupe de restauration de machines Anglaises.
La carrière de Mike Hailwwood quelques photos et le site consacré à Mike Hailwood
Mais, pour en revenir à Taglioni et à ses Ducati "trialbero", les conditions dans lesquelles ces machines étaient conçues à l’époque mérite tout de même qu’on s’y arrête.
Taglioni raconte qu’il disposait d’une équipe de 30 personnes, mais que pour être à même de devancer les évolutions de la concurrence il fallait toujours travailler dans l’urgence. Ainsi entre les premiers dessins et la première course du 125 twin, il ne se passa pas deux mois. Pour gagner du temps, certaines pièces accessoires étaient parfois dessinées à main levée et usinées " à la va-vite". Il arriva même que les motos soient embarquées en pièces dans le camion et assemblées sous la tente de nuit au bord du circuit juste avant les essais.
Visiblement ça ne les empêchait pas de gagner des courses (au total 4 Grands Prix en deux ans) mais l’entreprise était encore trop artisanale pour prétendre aux titres. Par ailleurs, l’usine ne s’engageait pas seule: des machines (non desmo à part celle d'Hailwwood) étaient vendues à des écuries privées qui remportèrent quelques points en Grand Prix.
La firme MV du comte Agusta, fabriquant d’hélicoptères, disposait de moyens énormes en comparaison. Celui-ci fît d’ailleurs une proposition à Taglioni, qui préféra rester fidèle à Ducati, où il se sentait chez lui et disposait de plus d’autonomie, il y tenait beaucoup.
Finalement, ces très beaux mais décevants "trialbero" furent ses derniers parallel-twins de course et la fin d’une époque pour Ducati en Grands Prix. Mais de par leur technologie exceptionnelle, ils permirent à la marque de faire son entrée dans la cour des gran
ds.
Ce sacré Taglioni avait même dessiné un 250 V4 au début des annèes 50 mais l’usine ne se sentait pas de taille, dommage, alors il raconte qu'il avait enlevé les 2 "pattes" avant du dessin pour réaliser le 125 twin. Il parait qu’il a déssiné plus de 1000 moteurs pendant sa carrière, même pendant ses vacances et après sa retraite à 70 ans....De tout, des moteurs "auxiliaires", des mono-cylindres, des 2 et 4 cylindres en ligne et en V, aucun 2 temps / 2 stroke (il les détestait: les divers 50 à 125 que Ducati a produit dans les années 60-70 ne sont pas de lui) et quelques 4 soupapes, dont la 125 4 cylindres en ligne de 1965 (photo) et des prototypes simple et double arbre à cames, dont un desmo. Mais il n’y croyait pas beaucoup car aucun n’a égalé les performances de ses 2 soupapes desmo.
culasse double arbre non-desmo 4 soupapes pour twin à couples coniques et prototypes mono-cylindres 500 desmo et 250 double arbre à cames
Infatigable il ne s’arrêtait jamais, son dernier projet fût un V4 1000 de 125 hp (le "doppio-pantah") qu’il rêvait d’équiper d’une injection Spica de Formule 1. En tout il a dessiné cinq V4, mais aucun n’a jamais dépassé le stade de prototype. Sa dernière création connue est la la 750 TT F1, avant son départ en retraite en Mai 1989 à 70 ans. Ce qui ne l'empêcha pas de rester chez Ducati comme consultant jusqu'à 1995... Mais dejà Massimo Bordi prenait le relève avec son "desmoquattro" refroidi par eau et à injection, projet auquel soit dit en passant, Taglioni était farouchement opposé...
Voir cette galerie de photos de Phil Aynsley.
Date de dernière mise à jour : 06/10/2023