Conception et caractéristiques techniques
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"caractéristiques et performances"
"déboires, une conception douloureuse"
La conception des 350 et 500 Ducati parallel-twins:
Il a été dit que ce moteur avait été conçu par la société d'engineering anglaise Ricardo, mais Ducati ne l'a jamais confirmé officiellement. C'est pourtant la vérité, Gianluigi Mengoli le bras droit de Taglioni à l'époque, l'a affirmé.
Mais suivant l'histoire officielle, Taglioni ayant refusé de participer à ce projet de moyenne cylindrée "économique" ce fut donc un jeune ingénieur totalement inexpérimenté, nommé Bruno Tumidei, qui s’y colla bon gré mal gré avec l’aide d'Arnaldo Milvio, le directeur adjoint qui s’improvisa ingénieur motoriste.
L'ingénieur Silvio Manicardi fut chargé de diriger ce projet. Ils s’y sont donc mis à trois pour pondre ce petit chef d’oeuvre..
Quant à l'ingénieur en chef Mengoli, il aurait fait beaucoup mieux, mais il préféra ne pas trahir Taglioni et rester en dehors de cette affaire.
Le cahier des charges fixé en 72, stipulait que ce devait être des parallel-twins, déclinés en 350 et 500 centimetres cubes et conçus de manière à réduire au maximum les coûts de fabrication, donc à priori sans système desmo.
Tumidei fit donc ce qu’il put, comme il put...et avec peu de moyens, pour construire le moteur dessiné par Ricardo: une version "moderne" à arbre à cames en tête des prototypes des années 60, un mélange étrange de classique et de "up to date". D’après Taglioni, pas très tendre avec ses collègues, ce fut "le pire moteur que Ducati ait jamais produit" ! En tous cas un "bizarrerie mécanique", entachée de nombreux défauts de conception à la base (voir sous rubrique "une conception douloureuse").
Dès 1973 la presse est informée du projet. Le moteur 350 tourne déja sur banc d’essais, il faudra pourtant attendre deux ans avant la commercialisation sous la référence DM 350 et 500 B (bicylindrico). Que s’est-il passé pendant ces deux ans....beaucoup de soucis.
Voila ce qu’écrivait Christian Bourgeois dans MotoRevue en Décembre 74:
"Fabio Taglioni, créateur de ces deux moteurs (le prototype de 1968 et le nouveau parallel-twin) n’est cependant satisfait ni de l’un ni de l’autre. Son ambition était de développer un petit bicylindre en V inspiré du 750 cc. Ce moteur pour différentes raisons n’a pas été retenu. Il ne dépassera jamais le stade de la planche à dessins."
Comme quoi tout le monde peut écrire des betises...
Un vilebrequin atypique:
Donc par souci d’économie, on dessina un très classique parallel-twin à plan de joint de carters moteur vertical avec les cylindres inclinés de 10° vers l’avant et chemises rapportées en fonte (comme les L-twins à couple conique).
Et pour faire le plus simple possible, on adopta un vilebrequin à deux paliers seulement comme un monocylindre ou un vertical-twin à l’Anglaise. C’était peut-être viable pour un vilebrequin calé à 360°, mais plus du tout quand on passa à 180° après avoir renoncé au système d’équilibrage. Pour que ça soit rigide, on fut contraint d’adopter le type forgé/monobloc avec des bielles à chapeau.
En plus, toujours pour faire moins cher, on opta pour des paliers lisses constitués de bagues en bronze au béryllium, bref un embiellage style Fiat 500 sans aucun roulement à billes, tout le contraire de ce que faisait Taglioni !
Ce montage nécessitant un parfait graissage, on ajouta un filtre à cartouche. Pour permettre des régimes élevés et pas trop trop d’inertie on choisit d’adopter une course très courte de 52 mm pour le 500. Cela donna un vilebrequin à l’aspect très particulier avec un long machin central qui fait office de masses d’équilibrage, de volant moteur... et de prolongateur parce que ce moteur est fortement super carré.
Il est d’autant plus long, donc flexible, que les axes de cylindres sont éloignés à cause du passage de chaine de distribution au centre, ce qui augmente d’ailleurs les vibrations.
Remarque: ce vilebrequin, avec ses lourdes masses en opposition au centre sans support, est fortement sujet à fléchir sous l’effet des contraintes et aussi à s’allonger avec la température, ce qui n’a pas du simplifier le calcul du jeu axial. Il n’est donc pas étonnant que nombreux aient carrément cassé en deux, sans parler des petits paliers lisses qui sont mis à la torture avec ces déformations aux-quelles s’ajoutent les efforts axiaux causés par la transmission primaire à taille hélicoïdale. Malgré son aspect massif, ce vilebrequin parait tout de même fragile avec ses bras de manetons externes très fins et toute la masse au centre.
D’ailleurs, cet embiellage a fait l’objet de plusieurs modifications au niveau du cône d’emmanchement du rotor d’alternateur (monté de plus en porte à faux contrairement au Pantah), du diamètre et de la forme de la partie centrale.
Enfin, cet embiellage est d’un type unique pour un twin parallèle dans toute la production moto: calage à 180°sans palier central et paliers lisses. C’est le gros défaut de conception de ce moteur.
Il existait pourtant une solution possible, comme un montage type A.J.S./Matchless (ci-contre)
pour rajouter un palier central, sans nécessairement adopter des carters à plan de joint horizontal, mais c’était plus cher...
Le problème ne vient pas des paliers lisses en eux mêmes, celà aurait pu marcher avec un vilebrequin rigide à trois paliers et une transmission primaire à taille droite ou par chaine. Pour preuve le Supermono était monté sur paliers lisses.
D’ailleurs, il n’y a pas que ça d’original, l’architecture générale et certains dessins sont visiblement étranges. A cela s'ajoutent les fonderies de très mauvaise qualité (porosités et même défauts d’épaisseur)
Remarquer ci-dessous l’espacement entre les cylindres qui favorise néanmoins le refroidissement
Cela donna un moteur anormalement super carré avec 78 mm d’alésage et 52 mm de course pour le 500 (rapport 0,67), donc pointu, ce qui explique les petits carburateurs Del’lorto PHB Ø 30 à pompe de reprise pour améliorer la souplesse. En comparaison, les valeurs du 500 Pantah sont de 74 x 58 et les carburateurs sont des Ø 36.
La conception de la distribution par une chaine entre les cylindres, entraînée par un arbre intermédiaire qui commande aussi les simples rupteurs d’allumage, est originale chez Ducati.
Même chose pour le montage de l’arbre à cames en tête: deux demi-arbres montés sur roulements à l’extérieur et sur paliers lisses au centre, à noter que l’huile s’échauffe en arrivant à travers le bloc-cylindres et ces paliers. Ces 1/2 arbres viennent s’emmancher par cannelures avec des joints toriques d’étanchéité d’huile sur le pignon central.
De simples bouchons sertis au milieu ont été rajoutés à la va-vite pour remédier à des problèmes de fuites par ces joints toriques qui portent mal entre les 1/2 arbres et le pignon.
Les moteurs Mototrans comportent d’ailleurs des modifications à ce niveau.
Quant à la boite de vitesse, elle fût dans un premier temps empruntée au vieux 450 mono ainsi que le mécanisme d’embrayage.
l’ensemble cylindres-embiellage et la boite de vitesse deuxième type
Tout était réellement conçu à l’économie, sans souci d’accessibilité. Si on compare ce moteur à celui très sophistiqué (et plus fiable) de la 450 Honda pourtant conçu quelques années avant, sa rusticité est évidente...Le pricipe qui a dominé cette conception étant de réduire au maximum le nombre, le prix de pièces et les temps d’usinage. L'étude de ce moteur semble avoir été baclée par Ricardo, mais il est probable que Ducati l'ait négociée au prix le plus bas possible..
Pour être fiable, un parallel-twin performant aurait nécessité une lubrification mieux conçue et un vilebrequin à trois ou quatre paliers monté sur roulements à billes, comme par exemple les 500 et 750 Laverda.
Pour la partie-cycle:
On renforça l’épine dorsale et l’arrière du cadre simple berceau interrompu des monos, et le reste fut prélevé "de bric et de broc" sur la production: suspensions Marzocchi, des roues à rayons, quelques accessoires de 860 et divers composants bon marché. On trouvait tout de même un freinage avant à disque Brembo (simple sur la 350).
Pour finir le design de la GTL fut confié à Giugiaro qui avait déjà sévi sur les 860 : désastreux !
Une mise au point laborieuse:
Mais entre les premiers prototypes du moteur et la mise en production, la mise au point fut laborieuse. Au départ le vilebrequin était calé à 360°, et pour lutter contre les vibrations deux arbres d’équilibrage entraînés chacun par un pignon prenaient place curieusement en dessous (ce qui au passage réduisait la hauteur disponible pour l'huile dans le carter).
Mais, mal conçus, ils n’ont jamais fonctionné correctement: ils étaient très bruyants et faisaient chauffer l’huile.
(alors que l’unique arbre d’équilibrage de la Laverda 500 twin calé à 180° fonctionnait parfaitement)
On essaya alors de passer à un seul balancier, pour finalement y renoncer complètement et se résoudre à adopter cet horrible vilebrequin calé à 180° et tant pis pour les vibrations. D’ailleurs, la fonderie des carters n’a même pas été modifiée et les bossages destinées à recevoir les roulements de ces balanciers d’équilibrage sont toujours là, comme le plafond du carter d’huile ridiculement bas, qui aurait pu être surélevé à l’occasion, mais il était trop tard pour modifier les fonderies.
(voir rubrique "une conception douloureuse")
Aux dires de l’usine, durant les essais au banc il s’avéra d’une solidité à toute épreuve et supporta soit-disant 11.500 t/mn sans casser. On a du mal à y croire, ça semble même être de la pure "intox", car en verité sur les premiers modèles les casses de bielles et de vilebrequin étaient fréquentes.
Soit disant peu de problèmes de fiabilité seraient apparus aux essais certainement trop brefs. On a du soigneusement oublier les essais d’endurance par peur des résultats. En pratique, au début les vilebrequins cassaient souvent avant 1000 km !
En fin de compte, on sent bien que contrairement à la Pantah, cette machine à été conçue avec des impératifs de délais trop courts, à tel point qu’elle était prête (enfin, presque.. ) longtemps avant les chaînes de montage destinées à la produire. En réalité, les dessins ont été gelés et la production en série des pièces lancée trop tôt, alors qu’une fiabilité correcte était bien loin d’être atteinte.
Les ingénieurs étaient certainement conscients de la situation, mais préféraient fermer les yeux pour ne pas se ridiculiser à leur tour vis à vis de la direction qui éspérait bien que cette gamme allait relancer la marque. Des mois avant le début du montage à la chaine des premières machines, des centaines de pièces et des carters avaient deja été usinés malgré de gros défauts de fonderie.
De toutes façons, le lancement de ces modèles avait été annoncé très tôt à grands bruits et les investissements étaient faits. Il fallait lancer la production coûte que coûte en prenant sciemment le risque de graves déconvenues. Il y en a qui ont du mal dormir chez Ducati à l’époque...