Les parallel-twins en série: la GTL, naissance et descendance
Dr T. entre en résistance:
Après une période difficile de 1949 à 1970 au sein de l'administration (le holding nationalBreda suivi par l'IRI, Institut de REstructuration Industrielle), la situation prend un autre visage chez Ducati au début des années 70. Ducati est intégré à VM, une entrprise de moteurs diesel, à qui l'état a confié la firme.
Ce changement entraîne l’arrivée d’un nouveau staff de dirigeants : Spairani, le directeur général, assisté par Milvio et Calcagnile. Ils aiment la moto et et croient à l’intérêt de la course pour promouvoir les machines de série. Mais le coût de production des L-twins à couples coniques lancés en 71 reste élevé et au bilan Ducati est mal en point. Autre facteur agravant, les modèles monocylindre qui commencent à dater et dont les ventes baissent malgré l’adoption de la distribution desmodromique en série depuis 1968. L’abréviation "desmo" crée par Ducati vient d’ailleurs de cette époque.
Il devient urgent de moderniser la production, il est alors décidé de mettre en chantier une nouvelle gamme de moyennes cylindrées.
"Il Dottore" propose donc un nouveau monocylindre 350 et une version modernisée et réduite à 500 cc du V-twin à 90°. Ces deux moteurs sont des desmo avec des courroies crantées, plus légers et moins couteux que les précédants. Son projet consiste en une gamme de moteurs comportant un maximum des pièces communes au V-twin et au monocylindre, dans un but évident de rationalisation de la production. Il imaginera même un peu plus tard de produire un 1000 V4 dans cette logique.
Mais les dirigeants refusent son projet de petit V-twin jugé encore trop coûteux. Mais surtout, Ils ne croient pas aux courroies crantées, craignant qu’elles soient fragiles, alors qu’elles ont pourtant fait leurs preuves en automobile.
On hésite à investir, à innover, alors on s’entête, on persiste mordicus malgré tous les échecs des années 60, pour choisir un classique parallel-twin à faible côut décliné en 350 et 500 ce qui permet du même coup d’abandonner les monocylindres.
Eh oui, ça peut paraitre incroyable avec le recul, mais ces parallel-twins tant moqués par la suite, ont été "le projet phare" des dirigeants à cette épopque !
Ils ne comprenaient pas que Ducati méritait plus d’ambition pour s’en sortir en proposant mieux que la concurrence, quitte à être plus cher en restant dans l’esprit qui faisait le succès des V-twins 750 et 900, qui continuaient à se vendre. Et surtout, ils ne faisaient plus confiance au directeur technique, qui faisait pourtant pour une fois preuve de réalisme.
Aveuglés par leur vision purement comptable et trop ignorants du marché de la moto, ils étaient convaincus que pour lutter contre la concurrence Japonaise, la meilleure solution résidait dans la production en grande série de modèles à faible coût. Comme les Anglais, ils ne réalisaient pas que le seul moyen de rester vivant face au Japonais, consitait à innover et à se distinguer par des produits modernes et différents.
Là, véritablement humilié, Taglioni se fâche. Devant une décision aussi irrationnelle, il menace de démissionner si on ne l’autorise pas à poursuivre ses projets, d’autant plus qu’il voit arriver les modèles innovants de la concurrence Japonaise (450 Honda) et même Italienne (750 Laverda).
Et surtout, il ne veut plus entendre parler des parallel-twins, il a dejà "donné" avec les prototypes avortés des années 60. Il a compris qu’au dessus de 350 cc, un V-twin est la meilleure solution. Quant à Mengoli, il est resté prudemment à l'écart par fidélité envers Taglioni.
Alors, un jeune ingénieur totalement inexpérimenté nommé Bruno Tumidei, est chargé en 73 de concevoir les nouveaux parallel-twins de moyenne cylindrée sous la houlette de Silvio Manicardi, nommé chef de ce projet.
Mais "petit détail", aucun des deux n'a jamais conçu un moteur de moto... (voir la rubrique "conception technique").
Alors, la direction décide de confier ce travail au bureau d'études Anglais Ricardo Engineering, en le cachant soigneusement à la presse. En effet, la dernière collaboration avec Ricardo avait été un échec cuisant. Ducati avait déja confié à ce bureau l'étude d'un 350 de Grand Prix à 3 cylindres au début des années 70, mais le projet avait avorté parce que ce moteur ne produisit jamais la puissance escomptée, loin de là (5o hp au lieu de 80...)
Ricardo est donc chargé de concevoir le moteur sur le papier, mais il revient à Ducati de construire le prototype et de procéder à sa mise au point.
Malheureusemet fin 73, lorsque le premier moteur est essayé au banc d'essais, il va s'avérer que le projet de Ricardo n'est pas viable. Il semble même baclé. Mais chez Ricardo, le temps passé sur cette étude a sûrement été aussi maigre que le prix proposé par Ducati.
A partir de là, le directeur adjoint Milvio s'improvise ingénieur motoriste pour porter assistance à ses collègues. Ils vont s'arracher les cheveux pour faire marcher ce fichu moteur durant deux années et finalement mettre sur le marché une machine à la fiabilité encore très perfectible. Tant pis, les premiers clients essuieront les plâtres...
le premier prototype dans une partie-cycle de monocylindre (photo-ci-dessous):
Pendant ce temps, Dr T, plus ou moins mis au placard en 1973 par les dirigeants, poursuit son travail sur les couples coniques avec une équipe réduite (Farné, Mengoli et Cavazzi) tout en continuant à poursuivre l'étude de son petit L-twin qui aboutira en 80 au Pantah...
Il présentera aussi divers prototypes 350 monocylindre desmo à courroie crantée, pour retenir finalement un proche cousin du Pantah en deux versions: l’Utah, un joli et très original trail mono-amortisseur et la Rollah, une routière classique.
Ces belles petites machines modernes habillées par Tartarini seront exposées au salon de Milan en 1977 puis à Cologne en 78 avec un prototype de la 500 Pantah. Elles recoivent un joli succès, mais finalement, la Marque ne croyant plus au marché des monocylindres, elles ne seront pas produites... alors que commence la mode des trails 4 temps (4 stroke) avec la Yamaha XT 500.
Photos ci dessous: 1, 2, 3 et 4: les Rollah et Utah, 5: Taglioni durant les premiers essais en 76 de ses prototypes desmo à courroies crantées 350 mono-cylindre et 500 V-twin (prototipo 500 L-twin) déguisé en 500 SD pour les essais routiers.
photo 7: le dernier prototype de la 500 Pantah présenté à Milan en 77 et à Cologne en 78 avec les Utah et Rollah.
Remarquez les apellations en vogue à Bologne à l’époque: Rollah, Utah, Pantah, Darmah...
le moteur 350 (83x64) mono-cylindre à courroie crantée (27 hp à 7000 rpm) avec la culasse type Pantah
Aussi incroyable que ça puisse paraître, Taglioni avait donc été partiellement écarté de la direction.
Silvio Manicardi ayant été nommé pour gérer le projet parallel-twins, Dt T. était désormais confiné au développement des L-twins à couple conique et au minuscule département compétition réfugié chez NCR. Il poursuivra le développement de la gamme avec la 900 Super Sport en 75 affublée des affreux carters carrés dans le style Giugiario suivie en 77 par la Darmah qui sera l’ultime Ducati "Tartarini".
Finalement les deux remporteront un grand succès.
Et après la célèbre 750 Imola, la 900 NCR et la "Mille" conçue par Bordi se distingueront par de nombreuses victoires en compétition jusqu’au milieu des années 80. Le prestige de la Marque est à son summum grâce à Taglioni et pourtant...
Ducati dans la tourmente politico-financière:
Celà en dit long sur l’attitude des nombreux dirigeants qui se sont succédées (tous les 2 ou 3 ans) à l’époque à la tête de Ducati Meccanica après le départ de Montano, nommé en 52 et remercié en 73 après que VM ait pris le controle.
Il faut savoir que depuis la nationalisation de Ducati SSR, après son dépot de bilan en 1948, la moto n’était pas la priorité des gestionnaires. Ducati fut d'abord géré par le groupe Breda, lui même rattaché à l'IRI (Institut de Reconstruction Industrielle) créé en 1933 par Mussolini et présidé à l’époque par Romano Prodi, le futur président du conseil italien.
Mais en 1962, Breda en grande difficulté avait été contraint de céder Ducati Maccanica. La marque fut alors rattachée au groupe national EFIM (Etablissement de Financement Industriel et Manufacturier), qui était impliqué principalement dans l’industie lourde. Et en 1970, L'EFIM céda Ducati à VM Motori (Vancini Martelli), un fabriquant de moteurs Diesel.
Les nouveaux directeurs nommés par VM, aimaient la moto et croyaient enfin en l'avenir de la Marque. C'est à cette époque que seront créés les L-twins 750 et 900. Pourtant, Ducati Meccanica a failli disparaitre dans les années 80, malgré l’arrivée de la 500 Pantah en 1979 et de ses dérivés (600, 650 et 750 F1), à la suite de l’échec ruineux des parallel-twins lancés en 75. L’usine serait probablement devenue une simple fabrique de moteurs pour VM Motori. La marque a été sauvée in extremis pour le prestige de son nom, grâce à son rachat en 1983 par Giovanni Castiglione, le patron de Cagiva.
Repris provisoirement en 96 par le fond de pension Italo-Americain Texas Pacific Group, lorsque Cagiva s'est trouvé à son tour en difficulté, Ducati Motors est devenu indépendant et Italien à 100 % en 2005.
Entre 83 et 85, après son rachat par Cagiva, Ducati Meccanica a produit très peu de motos, environs 1700: quelques Pantah et dérivés et des 900 MHR et S2. Il a même été question d'arrêter purement et simplement la production de motos sous la marque Ducati.
L’usine fournissait surtout des moteurs Pantah 350 et 650 marqués "Ducati" à Cagiva (pour les Alazzurra et Eléphant), tout en fabriquant par ailleurs au sein du département DDD (Ducati Diesel Department) des moteurs de bateaux, des moto-pompes et groupes électrogènes et des Diesels d'automobiles pour VM.
A cette époque, des voitures Triumph TR 4, Herald et Spitfire furent également assemblées à Bologne. Ces voitures déstinées au marché italien portaient l'écusson "Ducati Meccanica". Plus tard, des Lancia Thema 8-32 à moteur Ferrari V8 seront aussi assemblées à l'usine de Borgo Panigale.
La société a pris un nouveau départ avec la 500 Pantah lancée trop tard en 1979 alors qu'elle étaut prête depuis 2 ans et surtout en 1985 quand Massimo Bordi a été nommé ingénieur en chef.
La production a été alors recentrée sur la moto et le département Diesel, moto-pompes et montage d'automobiles fut abandonné.
La construction des moteurs Diesel fut alors reprise repris par VM et ensuite par la société Japonaise Yanmar, crée à l'origine par Ducati Meccanica.
Ce fut l’époque des 750 F1 et des "Mille" MHR et S2, avant le lancement de la 750 Paso en 1986.
En 1987 arriveront les premières 851 "desmoquattro" suivis par la sublime 916 qui relancera définitivement la marque avec la 750 Monster suivie rapidement par la 600.
Elles rencontreront un immense succès commercial. La Monster existe d'ailleurs toujours avec des moteurs modernes 800, 1100 zt 1200 cc desmo 4 soupapes refroidis par eau.
Et Bordi sera nommé directeur technique en 89, lorsque Taglioni prendra sa retraite.
Date de dernière mise à jour : 16/12/2020